ni queue ni tête (10)

Les vertiges étaient de plus en plus fréquents. Au réveil, le matin, lorsqu’il fallait poser un pied à terre pour mouvoir son corps vers le haut. Sensation particulière, pas totalement désagréable, seulement inquiétante. Le contrôle de soi, ne pas s’attarder sur ce que l’on ressent, oublier que le corps existe et fait partie de soi. Cela pouvait se reproduire à d’autres moments dans la journée. Il n’y avait aucun schéma précis. Rien n’était programmé, pas de cause à effet claire. Une légère inquiétude, la peur de l’inconnu, du non déjà vécu. Quelque chose de différent, qui ne se produisait pas avant. Avant quoi ? Avant la première fois. Mais maintenant, ce n’était plus une première fois. Cela s’apparentait plus à une habitude, une mauvaise habitude comme une cigarette allumée sur le balcon ou au bord d’une fenêtre. Une sensation proche d’une première bouffée qui peut parfois faire tourner la tête, au matin. Peut-être un souvenir de ces premières cigarettes du matin. Un souvenir physique, un rappel à l’ordre, au désir. N’oublie pas ce que c’était. Les événements qui se répètent deviennent des habitudes. On n’y pense plus, on e pense plus à rien, c’est rassurant. Cela soulage mais ne guérit pas. On avance dans la vie avec les changements qui s’immiscent dans la peau, dans l’esprit. Il ne reste plus rien de ce que l’on a été. Tout a disparu au premier sommeil. Au réveil, le corps n’était plus le même. Tout recommence, comme hier, différemment. Irrémédiable et incompréhensible. Le chemin se crée sans raison, il se suit, il s’invente. Il semble clair et puis, il ne l’est plus. Il s’assombrit comme le ciel avant l’orage. Quelques images peuvent surgir. Des phrases aussi. Les deux ensemble parfois, une visualisation plus qu’une vision. Mais rien ne se produit. Le résultat n’est pas là, immédiat. Tout se mélange, et le vertige est là. La sensation est là. Au-dessus de la nuque, à la jonction avec le crâne qui devient lourd et insupportable. Les visualisations du moment sont floues, vagues. On pourrait chuter. Là. En un instant.

Si vous souhaitez m'envoyer un commentaire, écrivez-moi à xavier(at)fisselier.biz