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note | la croisée des marelles

Je découvre ce matin cette magnifique composition de Louise Imagine et Aedificavit, sans autres mots superflus à ajouter je ne peux que vous inviter à aller la découvrir ici: La croisée des marelles, XVIII

Magnifiques  photo et  voix
de @louise_imagine avec le superbe texte d’@Yzabel2046/ @AEdificavit spéciale dédicace à @jean_yvesf

#VasesCommunicants avec aedificavit | janvier 2011

« Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. » Vases Communicants

Besoin de couleurs. Juste cela, comme une note tenue, une légère tension, de biais dans le réel, qui s’accroît au fur et à mesure que le jour se délave. Rien que cette impression, très vive, à elle seule serait capable de tenir tête à l’engourdissement que procurent le froid de l’hiver, les ténèbres contrariés du métro, soudain à l’arrêt dans la pénombre, et pour combien de temps ?. Juste cela, cette seule note suffit, qui s’impose, se déploie, prend de l’ampleur (en viendrait presque à serrer la gorge, au retour, quand la journée terminée reverse sur des berges sombres). Ce pourrrait n’être presque rien, qu’une respiration un peu plus vaste, presque un soupir, elle finirait bien par s’imposer, par soulever un peu la poitrine. Mais non, on dirait bien que ce n’est pas suffisant et qu’on ne sera pas quitte si facilement. Dans le regard, sous les paupières, comme une tâche de soleil, sous la vie qui palpite dans les paupières, puis comme une tâche d’encre, une tâche d’encre colorée, une autre ensuite, et encore une autre. Explosion rêvée de couleurs et d’irisation. Alors le réel, comme un buvard qui peu à peu se remplirait en miroir de tout ce qui a couru sous la plume, absorbe cette tension, et ne peut plus faire taire cette aspiration, et prend relief et vie palpitante. Se colore.

Élan soudain, même immobile, en direction de myriades de couleurs, éclaboussantes, étourdissantes, qui rejailliraient dans la lumière du soleil. Cela vient de très loin et prend de la vigueur. Fermer les yeux un moment y suffira mais n’y suffira pas longtemps. Fermer les yeux, retrouver, au fond de sa conscience, dans des profondeurs qu’on laisse insondées habituellement, pour quelques instants, les volets rouges de la maison, qui claquent dans le vent, que le vent claque contre la façade de pierre, et les minuscules attaches obstinées qui ne sont pas un rêve, qui ont couru toute l’enfance, et qui retienne les volets contre les caprices du vent.

Cela même n’y suffira pas. Les souvenirs colorés se convoquent un à un, certains incompréhensibles, des galaxie d’étoiles violettes qui viennent de si loin dans le passé qu’il n’y a rien d’autre que cela, détaché de tout contexte, ûre apparition sans fond sur lequel elles viendraient scintiller, rien d’autre, je ne sais pourquoi, que des amas d’étoiles violettes. D’autres qui sont là, dans la conscience, sans avoir pour source la perception, c’est bien là un mystère, nées de strates plus ondoyantes encore, et plus fuyantes. Lumière éclaboussant une ville aux murs blancs que je n’ai jamais vue, et la mer tout à l’entour (je ne la connais pas, n’y suis jamais allée, même si souvent j’ai vu des bâteaux y partir, des gens en revenir, pliés sous leurs bagages, et pourtant elle est là, en moi, comme une aspiration insatisfaite, comme une tension vers un ailleurs désormais impossible mais qui, partie de moi, mêle à mon moi réel des escarbilles révolues, des souvenirs qui cependant, en dépit même de leur étrangeté, sont les miens).

Alors il est clair qu’il faut partir. Retrouver la pureté du regard, de toutes les impressions, échapper aux strates, à la poussière, repousser les tout ce qui enserre, enclot, angoisse, de tout cela il devient impérieux de se défaire, c’est un réflexe de survie, quelque chose comme le coup de pied du noyé qui au fond, dans les profondeurs virides de la vase, et sans savoir si cela va lui suffire, trouve l’énergie encore de donner un coup de talon pour remonter à la surface, il ne voit plus la transparence de l’eau dans le soleil, il n’a aucune certitude de pouvoir la retrouver, il ne sait donc pas vraiment pourquoi il le fait, mais il donne un formidable coup de talon qui le propulse vers la surface, où il imagine encore que l’encre du crépuscule ne s’est pas répandue.

Il ne reste plus qu’à passer par dessus des nuées, dans le bleu du ciel, pour retrouver vie. Par la grâce de ces impressions.

Texte partagé dans le cadre des vases communicants par Isabelle Pariente-Butterlin que vous pourrez découvrir sur son blog Aedificavit . Merci Isabelle de m’accueillir chez vous ce mois-ci.

 

Liste des autres participants à ces premiers vases communicants de 2011:

Juliette Mezenc  http://juliette.mezenc.over-blog.com/ext/http://motmaquis.net/ et Christine Jeanney http://tentatives.eklablog.fr/ce-qu-ils-disent
Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/ et Michel Brosseau http://www.àchatperché.net/
François Bon http://www.tierslivre.net/ et Laurent Margantin http://www.oeuvresouvertes.net/
Martine Sonnet http://www.martinesonnet.fr/blogwp/ et Anne-Marie Emery http://pourlemeilleuretpourlelire.hautetfort.com/
Anne Savelli http://www.fenetresopenspace.blogspot.com/ et Urbain, trop urbain http://www.urbain-trop-urbain.fr/
Murièle Laborde-Modély http://l-oeil-bande.blogspot.com/ et Jean Prod’hom http://www.lesmarges.net/
Jérémie Szpirglas http://inacheve.net/ et Franck Queyraud http://flaneriequotidienne.wordpress.com/
Kouki Rossi http://koukistories.blogspot.com/ et Jean http://souriredureste.blogspot.com/
Piero Cohen-Hadria http://www.pendantleweekend.net/ et Monsieuye Am Lepiq http://barbotages.blogspot.com/
Marie-Hélène Voyer http://metachroniques.blogspot.com/ et Pierre Ménard http://www.liminaire.fr/
Frédérique Martin http://www.frederiquemartin.fr/ et Francesco Pittauhttp://maplumesurlacommode.blogspot.com/
Jean-Yves Fick http://jeanyvesfick.wordpress.com/ et Gilles Bertin http://www.lignesdevie.com/
Candice Nguyen http://www.theoneshotmi.com/ et Benoit Vincent http://www.erohee.net/ail
Nolwenn Euzen http://nolwenn.euzen.over-blog.com/ et Joachim Sénéhttp://www.joachimsene.fr/
Christine Leininger http://les-embrasses.blogspot.com/ et Jean-Marc Undriener http://entrenoir.blospot.com/
Samuel Dixneuf http://samueldixneuf.wordpress.com/ et Philippe Rahmy-Wolff http://kafkatransports.net/
Lambert Savigneux http://aloredelam.com/ et Lambert Savigneux (ben oui) http://regardorion.wordpress.com/
Catherine Désormière http://desormiere.blog.lemonde.fr/ et Dominique Hasselmann http://dh68.wordpress.com/
Christophe Sanchez http://fut-il-ou-versa-t-il.blogspot.com/ et Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com/
et
sur twitter et en 9 twits chacune, Claude Favre @angkhistrophon et Maryse Hache @marysehache  (elles ont choisi de publier  les deux textes chez celle qui a un blog : Maryse Hachehttp://www.semenoir.typepad.fr/)

might be a philosopher (or not)

Photo James Austin © | Charles Maussion

Je vous offre le plus beau billet reçu. Isabelle Butterlin-Pariente, might be a philosopher (or not)…

« Perdition.

Les souvenirs se perdent dans le passé. Ils glissent. Je ne les retiens pas. La lutte est perdue d’avance. Si le portrait n’a pas de regard, est-il portrait ? S’il n’entretient pas la ressemblance la plus élémentaire avec celui dont il pourrait nous dire les traits, que nous dit-il ? Que se soucie-t-il de nous dire ? Nous suivons des yeux, dans les salles immenses des musées, en écho, les yeux des modèles dans le portrait de ce qu’ils furent. Apparat social, leur monde est à la parade, le nôtre aussi. Nous les suivons des yeux, croisons leur regard, le soutenons de toute la certitude de notre présent insolent et fragile, nous osons interroger leurs pupilles noires qui ne regardent pas les nôtres, s’y ajustent sans ciller. Les visages défilent. Et notre monde bientôt les rejoindra. Nous étions pourtant bien avertis de la transparence de notre être. Mais si les yeux s’effacent de ce visage, si ce visage s’estompe, si ses traits se diluent, est-il toujours portrait ? De qui est-il portrait ? Y a-t-il donc un qui dont il fut le portrait, qui porta quelque part dans le monde les traits effacés et à l’effacement de qui il fait écho ? Ou bien est-il possible que le portrait se déploie au-delà de toute anecdote du moi, de toute réduction du moi ? Le moi est-il trop étroit pour dire ce qu’il nous dit ? Désespoir calme, dont il nous sauve. Certes, nous glissons dans l’abîme, sans même savoir si contre cela il faut se redresser, ou s’il est plus juste de plier. De vous dont je n’ai pas la mémoire, que je n’ai pas connus et qui pourtant êtes liés, incorporés essentiellement à mes souvenirs, à mon âme, à mon moi le plus intime, à toute la vibration de cet ici, est-il le portrait ? Se pourrait-il qu’il soit vôtre ? Je crois qu’il y parvient. Le temps distordu a fait que nous ne nous sommes pas croisés. Et je n’ai pu rien retenir de vous. Il est portrait de tous les disparus, portrait au singulier des disparus, portrait unique et seul possible de vous tous dans la pluralité vide que vous a laissée l’oubli … anonymes, épuisés, oubliés ; il est portrait de votre présence pleine dans le monde. Par lui, vous reprenez rang dans le siècle. Présence pure, dépouillée de toute anecdote. Les traits, imperceptiblement, se dessinent, dans le miracle contradictoire par lui accompli en silence. Au col hiératique et blanc, répondent les tempes qui se creusent, où la vie bat, tiède. Et l’arrête du nez se dessine, qui marquerait presque la symétrie du visage, la force de la vie. Un souffle… De loin, de ce brouillard opaque et impossible, je regarde ; ou bien est-ce d’une fenêtre couverte de buée dans un hiver dont il se faut protéger,… ou bien je rêve… il est possible que je rêve, que vous veniez du plus profond de mes rêves… il est possible que vous soyez moi…et que ce portrait soit le mien… et si même cette hypothèse peut se défendre avant d’être écartée, alors il faut en conclure la chose la plus étrange qui soit (elle devient vraie sous nos yeux). Il est portrait de toute humanité. »

Isabelle Butterlin-Pariente, AEDIFICAVIT