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mn (III)

Je crois que c’est l’horloge de mon grand-père. Elle est drôle cette horloge. Elle n’a pas l’aiguille des heures, seulement les minutes et les secondes. Je ne la change pas puisqu’elle fonctionne. Elle fonctionne très bien avec son petit bruit métallique, à chaque seconde, qui m’indique que l’heure avance. Je vais faire comme l’horloge, je ne vais pas changer mes habitudes mais je ne sais pas à quelle heure je vais le faire. J’aime cette horloge sans l’aiguille des heures. Il existe des hommes intelligents qui pensent à des objets utiles. Inventer une horloge avec une aiguille en moins me semble être le fruit d’une grande réflexion. Je ne crois pas pouvoir me concentrer autant pour inventer un nouvel objet. Je ne sais pas qui est cet homme. J’espère qu’il vit toujours et qu’il continue d’imaginer des solutions qui facilitent la vie des autres hommes. Je ne me souviens pas de mon grand-père. Je ne me souviens jamais de ceux qui meurent. À quoi bon? Je ne les vois plus, je ne peux plus leur parler, les écouter, ni les toucher. Et puis je crois qu’ils ne pensent pas beaucoup à moi non plus. Ils m’oublient, je les oublie. C’est mieux pour eux, c’est mieux pour moi. Je préfère attendre d’être mort pour me souvenir d’eux. Cela sera sans doute plus juste, plus exact, sinon j’imagine des choses sur eux, sur leur vie, mais je ne suis pas eux. Je ne peux pas être mon grand-père puisque lui est mort et moi je suis là. Je ne connais pas sa pensée. Je comprends seulement que seule l’horloge peut se souvenir de lui mais elle ne parle pas.

Penser à mon grand-père me renvoie l’image de ma mère. Elle est comédienne d’art lyrique et dramatique dans la grande pièce de théâtre qu’est sa vie. Je pense qu’elle va bientôt mourir. Elle attend ce moment depuis longtemps. C’est un peu l’apothéose pour une actrice du genre dramatique. Elle pleure toute sa vie la mort et le malheur des autres. C’est une farce, une grande farce. Mais ce n’est pas facile. Heureusement, elle ne joue pas devant le public, elle joue ses drames pour elle, pour mon père peut-être, son plus fidèle spectateur. Je ne les vois plus, ils habitent loin et puis, ils ont leurs habitudes eux aussi. Ils n’aiment pas qu’on les dérange. Je les comprends. Ce n’est pas agréable d’être ennuyé ou dérangé. Malheureusement je pense que seule l’idée de pouvoir être dérangé, les dérange. Alors cela ne doit pas être facile pour eux mais heureusement pour moi je ne suis pas eux, alors ça ne me dérange guère. Je trouve cela drôle qu’ils pensent que ce sont mes parents. Qu’en savent-ils vraiment au juste? J’imagine qu’un beau jour quelqu’un vient frapper chez vous, un matin, tôt sans doute, pour expliquer que cet enfant est votre enfant. Je ne sais pas, je n’ai pas encore d’enfant ici. Et, personne ne vient toquer à ma porte pour m’expliquer. Mais bon, ce n’est pas très logique de croire que l’on est l’enfant de quelqu’un puisque finalement on est seul. Je ne suis pas trois, je ne suis pas l’extension de deux corps, puisque je suis là seul, assis sur cette chaise, les coudes appuyés sur une table, le cendrier sous le nez avec l’horloge de mon grand-père devant les yeux qui fait tic tac.

à suivre… mn (IV)

mn (II)

J’en profite pour ouvrir mon paquet de cigarettes. Je constate qu’il n’en reste que quatre. La sensation de manque m’envahit déjà. Ce n’est pas grave mais désagréable seulement. Que dois-je faire? Attendre un peu plus pour allumer cette cigarette? Envisager de sortir pour acheter une une cartouche? Je décide d’allumer un clope. Je peux encore repousser trois fois le moment de sortir dehors. Dehors ne m’attire pas, pas aujourd’hui, hier non plus d’ailleurs. Je vais attendre. Je vais fumer très lentement. Le plus lentement possible. Je dois essayer de ne penser qu’à cela. À rien d’autre. Néanmoins, je sais que je préfère fumer ma cigarette avec un café. Mais je n’ai plus le temps. Une cigarette se consume trop vite, comme une vie. Je les allume toujours trop tôt, sans penser, sans réfléchir. Je dois oublier cette envie de café et ne penser qu’au plaisir de fumer. Mais je n’y parviens pas. Cela m’angoisse. Je n’aime pas angoisser. Faire le vide, encore une fois. Je veux que les choses soient simples. Les faire une par une. Elle se consume toujours. La cendre s’approche du filtre. J’inhale doucement, mais je vois que cela se termine déjà. Déjà? Je ne me rappelle pas des premières bouffées. Ce n’est sans doute pas important et je ne dois pas y réfléchir. Maintenant, je fume alors je dois m’interdire de penser. Sinon, je fume et je pense, et je n’aime pas faire deux choses à la fois, je n’en suis pas capable. La dernière taffe bien qu’un peu amère me donne tout de même du plaisir. Je ne veux pas écraser mon mégot. Que vais-je faire après? Je perçois de nouveau le son de la radio. Finalement, je ne suis pas si seul. Comme d’habitude j’écrase mal le bout de mon mégot. La fumée s’évapore du cendrier. Ça me gêne, la cigarette n’a pas besoin de moi pour fumer. Les volutes me piquent les yeux. Une larme d’irritation se forme. Je la laisse couler, descendre le long de ma joue. Ce n’est pas désagréable. Je dois prévoir d’essuyer cette trace avant de sortir aller acheter du tabac. Je veux bien que l’on pense que je pleure; mais une larme, ce n’est pas pleurer. C’est beau une larme, c’est un peu le coeur en sueur. C’est sa manière de  dire j’existe, de prouver que battre n’est pas sa seule condition, sa seule fonction. Je pense souvent qu’une larme est le parfum de l’âme, l’essence concentrée de l’âme. La fumée de mon mégot s’arrête. Je dois faire quelque chose. Je dois m’arrêter de ne rien faire pour réfléchir à ce que je vais faire aujourd’hui. Peut-être comme hier. Cela ne me rassure pas de savoir qu’aujourd’hui je peux faire la même chose qu’hier. Cependant, je doute d’avoir envie de cela. C’est tout de même plus simple si je me contente de ne pas changer d’activité quotidienne. Sinon, je peux ne pas savoir faire ce que je vais me proposer. Et puis, je n’ai pas d’idées originales. Le plus simple est de ne rien faire mais je ne sais pas le faire non plus. Je réfléchis. Je dois réussir à avoir envie. Je regarde l’horloge sur le mur qui me fait face.

à suivre… mn (III)

mn (I)

Je prends le revolver. J’applique l’extrémité du canon sous le menton. Je presse lentement la gâchette. Le coup retentit. Rien.

Je me réveille en nage, dans un bain de sueur, aigre. Le coup de feu résonne encore dans ma tête. Je ne veux pas ouvrir les yeux. J’ai mal à la tête. Chaque matin est identique au matin précédent. Je crois. Je ne me souviens jamais de rien. Les jours s’enchainent et je ne sais pas pourquoi, je n’en comprends pas le sens. Je ne cherche pas d’explication. À quoi bon. Cela ne change rien de savoir s’il y a un sens. Je sais que maintenant il faut que je me lève, que j’ouvre ma fenêtre en grand pour voir ce qu’il se passe dehors. Je n’entends pas le bruit de la rue. Je dois ouvrir la fenêtre pour me repérer. Sentir le froid, le chaud. Voir le jour, la nuit. Je ne sais pas comment m’habiller si je n’ouvre pas la fenêtre. Je n’ai qu’une fenêtre d’ailleurs mais c’est pratique d’en avoir une. J’espère que tout le monde a le droit d’avoir une fenêtre. Oui, je pense que tout le monde a une fenêtre. Normalement, je dois commencer par ouvrir la fenêtre, mais aujourd’hui je veux d’abord boire un verre d’eau. J’ai soif. Je suis vide et sec. Il est préférable que je boive. Je peux attendre pour ouvrir ma fenêtre. L’évier est assez proche de la table et de la chaise. En face, il y a la porte qui me permet de sortir dehors. De l’autre côté il y a la fenêtre. Et sur l’autre mur la porte qui ouvre sur la salle d’eau. Je ne me lave pas les dents dans la salle d’eau. Je préfère me rincer la bouche dans l’évier de la pièce principale. Parfois, je me demande pourquoi? En fait, je m’aperçois que je me demande toujours pourquoi je fais les choses. Je me demande aussi si les autres individus se demandent pourquoi ils agissent. Trouvent-ils un sens à leurs actes? Je ne sais pas et je ne sais pas non plus si cela m’intéresse vraiment de savoir ce que pensent d’autres individus. Je n’y pense plus.

Je cherche l’interrupteur de mon poste de radio , posé sur mon unique étagère. Je n’aime pas les étagères mais j’adore écouter les sons qui s’échappent de ma radio. Cet appareil est incroyable. Il vit seul. Il a toujours quelque chose à dire, à chanter. Les hommes qui y parlent me semblent si intelligents et parfois si stupides. Je n’y comprends pas grand-chose, mais m’émeut à l’écoute de ces symphonies. D’où vient ce cri de l’infini? Qui se cache derrière cette boite de plastique? Où meurent les sons que crachent, sans cesse, les hauts-parleurs? Il y a toujours un bruit, mais celui-ci je peux le faire cesser. J’ai le pouvoir d’y mettre fin. Ce n’est pas comme le bruit et les conversations qui s’entrechoquent dans ma tête. Je ne peux pas les arrêter.  Jamais. Sauf la nuit peut-être, et pas toujours. Mais la nuit je sais que je dors parce que je ne fume pas.

à suivre… mn (II)

regardez… (II)

« … j’aime le regard des hommes qui regardent le regard des hommes qui les regardent… »

À Juan-Carlos Hernández, photographe.

J’aurais aimé être Saxo, aimé avoir ce regard, cette sérénité, ce calme…

6.01.2007 Ornette Coleman photo session at his home in New York by Juan-Carlos Hernandez ©

regardez…

Ce matin, attentif, j’écoutais et essayais de comprendre une citation de Bergson à la radio. Je vous la livre: « … nous voyons malgré nos yeux et non pas grâce à nos yeux. »

…et vous, comment regardez-vous? Que voyez-vous? Observez-vous le ciel le matin au lever… le ciel c’est vous, alors scrutez-le.

la vie continue…

Le dimanche matin, est toujours un moment surprenant… Pourquoi? Je n’en sais rien… mais aujourd’hui, je découvre une fois encore que la vie continue… c’est drôle, non?

« Question: Est-ce que je dois continuer à demander Qui suis-je? sans répondre? Qui demande à qui?…
Réponse: Dans l’investigation « Qui suis-je? », « je » est l’ego. En réalité, la question veut dire quelle est la source ou l’origine de cet ego? Vous n’avez pas besoin d’avoir quelque conception que ce soit à l’esprit. Tout ce qui est exigé c’est d’abandonner la conception que vous êtes ce corps correspondant à telle ou telle description, à tel ou tel nom, etc. Vous n’avez pas besoin d’avoir de conception en ce qui concerne votre nature véritable. Elle existe comme elle est depuis toujours. Elle est réelle, ce n’est pas une conception imaginaire. »

Extrait de Sois ce que tu es – Les enseignements de Sri Ramana Maharshi

Charles Maussion | Robert & Lisa Sainsbury Collection

Thanks to Sarah Bartholomew, Assistant Curator…

« When I was a school student I was very much influenced by Maussion’s work at the Sainsbury Centre and made many visits to look at the paintings on show. Even to this day, I would say that I am still very much inspired by his paintings of blurred and shadowy figures and landscapes in my own work. »

Assistant Curator
Collections and Exhibitions
Sainsbury Centre for Visual Arts
University of East Anglia
Norwich
NR4 7TJ
UK

Web: http://www.scva.ac.uk

Et mes recherches continuent… merci à tous…

plateform magazine | nº 16

Vous adorez la création… vous recherchez d’autres manières de vous informer sur les talents et les formes d’expression qui circulent par ci par là… alors ne manquez pas d’ouvrir PLATEFORM Magazine. Avant toute chose, je voudrais remercier Louise Imagine, sans qui je n’aurais découvert ce magazine exceptionnel & incontournable… Bravo à toute l’équipe…

Balade en ligne, ici…: http://bit.ly/dhv223

Vous y retrouverez…

note

L’homme est assis là, au bord de la falaise. Le buste droit. Les mains posées bien à plat sur ses jambes. Elles surplomblent la mer. Il regarde au loin, sans bouger. Son regard est noir seulement parce que ses yeux sont noirs et profonds. Sans fond. Personne ne sait à quoi il pense. Personne ne sait jamais ce que pense l’autre. On devine, on imagine. Si l’on se concentre sur l’essentiel, avec calme, on ne se trompe pas et l’on sait. Le vent est fort mais il ne bouge pas. Depuis quand est-il là? Une minute, une éternité. Peu importe, cela n’a pas de sens. Il est là. Et si on le remarque, on ne peut que le voir. Le regard des autres l’indiffère. Il ne scrute que la ligne d’horizon, au loin devant lui. Il écoute le flux et le reflux des vagues sur les rochers, là, plus bas. Les mouettes tournent près de lui. Elles hurlent. Mais il ne bouge pas. Ni même ses mains. Elles sont belles. Les vagues claquent. L’écume se forme et s’évapore dans l’air. Le bruit est fort, presque envoûtant. Mais cela ne le gêne pas. Rien ne le gêne. Rien ne le gêne plus. Il est paisible. Aucun tremblement ne vient troubler sa posture. Son souffle est faible presque doux. Ses yeux sont fixes. Ils ne cillent pas. Un lèger voile humide les recouvre. Il ne semble pas pleurer. Il regarde au loin, très loin.

Il est là, c’est son espace et plus rien ne l’empêche d’être là.

en apprentissage

De temps à autre, il est préférable de faire relâche… Une petite pause et à bientôt!

Pierre-Edouard reçu sous la Coupole | 10 mars 2010

Texte extrait du site de l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France: http://www.academie-des-beaux-arts.fr/actualites/

Le sculpteur Pierre-Edouard reçu sous la Coupole

Au sein de l’Académie des beaux-arts
Le sculpteur Pierre-Edouard succédant à Albert Féraud a été officiellement installé au sein de l’Académie des beaux-arts par son confrère, le sculpteur Gérard Lanvin. Canal Académie vous propose d’écouter la retransmission de cette cérémonie du 10 mars 2010 sous la Coupole de l’Institut de France.

Emission proposée par : Marianne Durand-Lacaze Bookmark and Share
Référence : COU536
Adresse directe du fichier MP3 :http://www.canalacademie.com/emissions/cou536.mp3
Adresse de cet article : http://www.canalacademie.com/ida5390-Le-sculpteur-Pierre-Edouard-recu.html
Date de mise en ligne : 11 mars 2010

Installation de Pierre-Edouard au sein de l'Académie des beaux-arts, Institut de France, 10 mars 2010

Installation de Pierre-Edouard au sein de l’Académie des beaux-arts, Institut de France, 10 mars 2010
© Brigitte Eymann/Académie des beaux-arts

La section de sculpture de l’Académie compte désormais sept membres : Jean Cardot, Gérard Lanvin, Claude Abeille, Antoine Poncet, Eugène Dodeigne, Brigitte Terziev.

Gérard Lanvin a prononcé le discours d’installation de Pierre-Edouard, élu dans la section sculpture, le 28 mai 2008 au fauteuil d’Albert Féraud. Pierre Edouard a souhaité que son discours soit prononcé par la voix de son ami Alain Zaepffel contre-ténor et fondateur de l’Ensemble Gravida. Selon l’usage, le discours de Pierre-Edouard fait l’éloge de son prédécesseur.

Né dans une famille d’artistes, fils du peintre Charles Maussion, Pierre-Edouard, nom d’artiste qu’il s’est choisi, a réalisé ses premières sculptures dès l’âge de quatorze ans tout en poursuivant son apprentissage de dessinateur et de peintre. Ses œuvres de jeunesse sont influencées par la statuaire Khmer et par Giacometti. Puis il se lance dans l’abstrait et fait de Rothko sa référence fondamentale. Pourtant il revient à la figuration après ce passage à l’abstraction dont il garda précieusement les stigmates. Son œuvre peinte côtoie une œuvre dessinée et gravée d’où naissent ses premières « têtes » et son œuvre sculptée vient plus tard en guise de synthèse. Gérard Lanvin a évoqué parmi les œuvres et les thèmes de Pierre-Edouard, « L’Homme à terre », « Femmes à l’échelle », Eve. Au début des années quatre-vingt-dix, Pierre-Edouard renoue avec la sculpture, à laquelle il décide de se consacrer prioritairement. En 2001, le public découvre ses sculptures en apesanteur, des figures de femme à partir du thème d’Eve ou de Noût. En 2003, il a reçu le Grand Prix de la Fondation Prince Pierre de Monaco. En 2008, il est élu à l’Académie des beaux-arts au fauteuil du sculpteur Albert Féraud.

Gérard Lanvin et Pierre-Edouard, membres de l'Académie des beaux-arts, lors de l'Installation sous la Coupole de Pierre-Edouard, le 10 mars 2010

Gérard Lanvin et Pierre-Edouard, membres de l’Académie des beaux-arts, lors de l’Installation sous la Coupole de Pierre-Edouard, le 10 mars 2010
© Canal Académie

Extraits du discours de Gérard Lanvin :

…D’ores et déjà, vous apparaissez comme hors normes, l’esprit non prévenu, lucide. Vous ne pouvez pas vous passer de la forme humaine et vous cherchez néanmoins toujours à l’éviter. Quoi que vous fassiez vous la rencontrez.
Vous êtes fasciné par le tragique pascalien. C’est le Pascal de la géométrie du hasard, du vertige face aux infinis, du fragment, du contraste hallucinant des clairs et des sombres, des ruptures abruptes et des interrogations sans fin. Cette ascèse pascalienne, vous la retrouverez chez Glenn Gould, qui, vous me l’avez souvent dit, est le créateur qui vous a le plus profondément marqué par sa pensée ; sans doute pour cette modulation sans début ni fin, et pour sa manière d’interpréter Bach en regard de la mort, mais dans un instant présent éternel.
Ce qui vous passionne véritablement dans toute création, c’est lorsque la rigueur géométrique est poussée tellement loin qu’elle en devient, dites-vous, lyrique, incandescente, et qu’elle nous donne envie de mourir par sa beauté parce qu’elle a perdu la raison.

Sculpture de Pierre-Edouard, Torse avec épaules III. 2000, 45 x 31 x 35 cm, Bronze

Sculpture de Pierre-Edouard, Torse avec épaules III. 2000, 45 x 31 x 35 cm, Bronze
© Gilles Abegg

…. Je suis frappé quant à moi, dans ce que vous faites, par des axes, des torsions, des arêtes, des sillons, des surplombs. Vous avez parlé de commencer une sculpture avec l’idée d’une montagne ou d’un temple. Un corps fait naître l’idée d’un entablement. Les visiteurs de votre atelier ont pu avoir l’impression d’entrer dans un sanctuaire.

Je serais pour ma part enclin à parler plutôt de métaphore, en souhaitant qu’elle ne soit pas la visée d’un système, sans surtout qu’on dût la signaler.

Faire des séries n’implique pas une progression, mais un réajustement par rapport à une vision initiale.

Les choses chez vous sont faites à partir du vide, sans direction préétablie, progressant en aveugle et somme toute sur une vision, mais fugace, prenant fond sur un absolu, et qui touche aux origines.

Le discours d’éloge de Pierre-Edouard consacré à Albert Féraud commence par son regret de ne pas avoir connu Albert Féraud et par la description de l’atelier de son confrère disparu.

Extrait du discours de Pierre-Edouard :
Vers le fond, je découvre les œuvres restées en suspens. Cet endroit respire un travail très rude, intense, violent ; avec sa dose de consumation physique, d’effort manuel. J’ai cette impression étrange que le maître des lieux s’est juste absenté quelques minutes et qu’il va m’accueillir, souriant. Cet atelier n’a pas fini de vivre et de servir la création qui l’habite. Mais peut-être n’est-ce là qu’un lieu commun, peut-être la mort d’un artiste, la fin d’une œuvre ne sont jamais qu’un accident qui n’aurait jamais dû se produire. Peut-être la nature interne d’une œuvre est-elle d’être un monde en expansion infinie qui ne connaît pas l’amoindrissement, la rupture, le point final. Peut-être la mort, dans l’art, n’est-elle qu’un évènement minime, anecdotique, qui va stupidement mettre un terme à quelque chose qui n’en a pas.

Dans l’atelier d’Albert Féraud, il reconnaît un tableau de Mubin Örhon, « grand seigneur de la peinture, mort dans l’oubli », meilleur ami de son père qui a guidé ses premiers pas de peintre et de sculpteur entre neuf et dix-huit ans.

Parlant de l’œuvre de Féraud, extrait du discours :

L’œuvre de Féraud est profondément lyrique. Lorsqu’on parle d’abstraction lyrique, on n’a encore rien dit. Beaucoup d’artistes abstraits se rattachent à des éléments figuratifs. Certaines œuvres de Féraud incorporent des tracés humanoïdes ou animaliers. Mais la vérité de cette œuvre prend tout de même racine dans une libération vis-à-vis de tout naturalisme au profit d’une sorte d’écriture en trois dimensions qui privilégie une pulsation interne dynamique. Sa sculpture est une danse dionysiaque.

Parlant de la sculpture, Pierre-Edouard précise : … En ce qui me concerne, je n’ai réussi à aborder la sculpture que par une fugace articulation de plans qui s’émiettent forcément parce qu’ils n’ont pas d’assise. Ils sont dans le vide. Ils apparaissent, disparaissent, se recommencent, indéfiniment, jusqu’à ce qu’un semblant de cohérence extrêmement fragile et ténu se fasse jour. Soudain un rapport s’établit entre quelques plans et ce rapport, aussi étrange que cela paraisse, ce rapport crée du « sens ». Rien n’est plus beau que le surgissement de ce « sens », je dirai même de cette « logique » au sein de cet invraisemblable chaos qu’est l’espace.

Remise des insignes de chevalier de arts et lettres à Pierre-Edouard, membe de l'Académie des beaux-arts, par Arnaud d'Hauterives, Secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts , le 10 mars 2010, Institut de France

Remise des insignes de chevalier de arts et lettres à Pierre-Edouard, membe de l’Académie des beaux-arts, par Arnaud d’Hauterives, Secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts , le 10 mars 2010, Institut de France
© Canal Académie

Pour en savoir plus

- Pierre-Edouard sur le site de l’Académie des beaux-arts->]
- Site Internet personnel de Pierre-Edouard
- Gérard Lanvin sur le site de l’Académie des beaux-arts->]
- Albert Féraud sur le site de l’Académie des beaux-arts->]
- Alain Zaepffel : contre-ténor, fondateur de l’Ensemble Gravida, spécialisé dans le répertoire baroque. Sa passion pour le théâtre l’a conduit à la mise en scène. Il a notamment mis en scène et dirigé Esther de Racine sur la musique originale de Jean-Baptiste Moreau à la Comédie française, en 2003. Actuellement, il est professeur au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris.

Texte extrait du site de l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France: http://www.academie-des-beaux-arts.fr/actualites/

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Chevalier des Arts et Lettres

Biographie

Pierre-Edouard naît en 1959. Très tôt, il se passionne pour le dessin et la peinture aux côtés de son père, peintre lui-même. A 14 ans, il exécute ses premières sculptures, tout en continuant à peindre et à dessiner. Les œuvres de cette période sont influencées par la statuaire Khmer et par Giacometti. 
Suivra une période abstraite où il découvre les grands abstraits américains – surtout Rothko – qui resteront toujours pour lui une référence importante.
Au terme de ce voyage dans la peinture pure, il se tourne à nouveau vers la figuration, mais une figuration qui est passée par l’abstraction et en gardera à jamais les stigmates. 
Il commence à élaborer une œuvre dessinée. De cette période datent les premières « Têtes » et la découverte de ce qu’il appellera « le modelé ininterrompu », vision à partir de laquelle il établira l’œuvre à venir. Cette vision l’amène à appréhender toute forme sous l’angle d’un modelé d’ombre et de lumière, qui plus qu’un simple modelé est une véritable utilisation, quasi musicale de la modulation des ombres.
A 21 ans, Pierre-Edouard entrait à la Galerie Claude Bernard. Sa collaboration avec cette prestigieuse galerie lui permet la rencontre d’artistes remarquables – Balthus, Bacon, César, Raymond Mason, Sam Szafran, Lopez-Garcia…

C’est en 1989 qu’il fera sa première exposition personnelle de peintures et de dessins à la galerie. Il y exposera ensuite régulièrement et ses œuvres y sont présentées en permanence. 
De cette période datent les « Doubles portraits », les « Groupes » et surtout les premiers « Hommes à terre » qui préfigurent son travail de sculpture. Suivra toute une série de pastels et de dessins sur le thème du “Personnage à l’échelle”. Il y développe une déconstruction de la figure par le fragment : l’image est désormais lacunaire.
Au tout début des années 90, Pierre-Edouard renoue avec la sculpture à laquelle il va se consacrer prioritairement au fil des années. La sculpture lui paraît correspondre plus exactement à son besoin de modelé et d’espace. Le public découvre en 2001 les premières figures de femmes en apesanteur : le thème d’« Eve » ou de « Noût ». Ce thème va désormais dévorer son travail.
Il sera en 2003 lauréat du Grand Prix de la Fondation Prince Pierre de Monaco, dont il obtient le premier prix. Une exposition suivra l’année d’après à la Principauté de Monaco. En 2008 il est élu à l’Académie des Beaux Arts de l’Institut de France au fauteuil d’Albert Féraud.

Son œuvre se poursuit entre sculpture, dessin et gravure. La récurrence des thèmes en fait une longue chaîne dont chaque œuvre est un jalon et l’ensemble un édifice en construction.

Tête penchée © G. Abegg

Eve-grande ve © G. Abegg

Tête avec bras © G. Abegg

les vases communicants…

Allez vous promener sur ces pages pour y lire de petites merveilles. Chaque premier vendredi du mois, un auteur choisi d’écrire un billet sur le blog d’un autre auteur, et inversement. Magnifique initiative.

Il existe un groupe Facebook « les vases communicants » pour rester informés…

Participants aux vases communicants de mars, liste « volée » sur le blog Fut-il ou versa t-il dans la facilité?

Mariane Jaeglé et Gilles Bertin
Eric Dubois et Patricia Laranco
lignes électriques et chroniques d’une avatar
Luc Lamy et Anna de Sandre
futiles et graves et Kill that Marquise
Christine Jeanney et Arnaud Maïsetti
Michel Brosseau et Juliette Mezenc
Frédérique Martin et Denis Sigur
Pierre Ménard et Anne Savelli
Juliette Zara et Kouki Rossi
Nathanaël Gobenceaux et Jean Prod’hom
Florence Noël et Lambert Savigneux
Hublots et Petite racine
Pendant le week-end et quelque(s) chose(s)
François Bon et commettre
Scriptopolis et Kill Me Sarah
RV.Jeanney et Paumée
Anita Navarrete Berbel et Anna Angeles

Aedificavit et Fut-il ou versa t-il dans la facilité?

correspondance

La joie de recevoir une lettre manuscrite de la main d’un ami, n’a pas d’égal et n’en aura jamais.

La lettre est une délicatesse propre à l’homme. La noblesse, l’élégance d’un travail physique, l’écriture avec une plume,  traduisant la pensée d’une âme. Qui aujourd’hui ose prendre le temps de s’attabler , de décapuchonner sa plume pour écouter le grattement du papier de cette mélodie de mots. Ce frissonnement à chaque ponctuation, cette envolée de l’esprit qui laisse à peine le temps à la main de retranscrire les images apparues et disparues dans l’instant. Une expérience douloureuse, toujours décevante pour celui qui pose les mots sur le papier et qui souhaiterait laisser couler encore toute l’encre de son coeur.

Je remercie cet ami pour ce présent inestimable.

Qui Suis-je?

Qui Suis-je?… Qui Suis-je…?

Cela fait déjà plusieurs jours que je souhaite écrire cette note, mais sans succès… Pas d’inspiration, des préoccupations professionnelles trop pesantes, un petit coup de blues et voilà… tout semble s’arrêter, alors que rien n’a changé, rien ne change & rien ne changera jamais…

Puis, des évenements surgissent autour de vous, des rencontres naissent, des échanges se créent, des interrogations se forment, certaines se dénouent, des lettres manuscrites vous parviennent, des mots vous touchent, le monde vous entoure.

La conscience refait surface, elle était là mais vous ne l’avez plus vue.

Vous êtes passé à côté, à côté de vous peut-être.

Encore merci à ceux qui m’accompagnent et, je vous invite à jeter votre œil par ici .

Au revoir Charles

Charles Maussion a quitté son corps hier…

Tu me manques déjà, Charles.

Au revoir.