ni queue ni tête (4)

Sans rien dire, il a laissé le temps filer devant lui sans prendre garde non plus qu’il ne pourrait plus rien y changer. S’en était-il rendu compte ou s’était-il laissé porter, d’un événement à l’autre, d’une heure à l’autre, d’un jour à l’autre. D’une vie à l’autre sans faire une étape dans la sienne. Sa vie importait peu finalement, si la vie autour allait bien, tout allait bien. L’équilibre incertain d’une vie difficile à maîtriser quand on n’en connaît pas les règles est très précaire. Il pourrait presque se transformer en un mensonge. Mais le temps filait encore et encore. Était-il conscient qu’il était le temps ? Il était présent, il était le présent, ça il l’avait compris. Pas facilement, il ne comprenait jamais rien facilement, seule son intuition le guidait et lui permettait de comprendre ou de deviner. Il passait son temps à se tromper tout en pensant que sa décision était la meilleure. Plus il avançait, plus le temps filait et moins il lui en restait du temps. Ça, il l’avait compris ou deviné, il ne se souvient plus. Sa mémoire est si sélective qu’il oublie tout. Il se concentre seulement sur ce qui l’empêche de dormir, peut-être pour gagner du temps sur la vie. Être fatigué faisait partie de son éveil. Il le fallait. Cela ne l’aidait pas à avancer. Il craignait que sa vie se complique. Elle aurait dû devenir simple et honorable. Il n’aurait pas dû se poser tant de questions, surtout maintenant après tout ce temps passé à avancer. S’était-il trompé de chemin, avait-il pris une mauvaise direction, avait-il dévié à un moment ou un autre sans s’en rendre compte? Il aimerait revenir à ce point où tout a basculé. Quand? Comment ? Pourquoi ? Où était-il ce jour-là ? Où était-il quand il a perdu le contrôle ? Où s’est-il échappé ? Est-il encore accessible quelque part? Le temps ne l’a pas aidé à se retrouver, il s’est tut le temps, il n’a rien dit. Il ne dira rien non plus sur les jours à venir s’il en reste. Il se rappellera qu’un jour il s’est tout de même posé ces questions. Il aurait aimé être là ce jour-là. Pour en parler. Pour se voir aussi. L’idéal aurait été qu’il puisse se connaître et se rencontrer. Ce n’est pas prêt d’arriver à la vitesse à laquelle tout défile autour de lui, il n’y a presque plus aucun risque que cela survienne, même s’il ne peut ni l’affirmer ni le confirmer. Il continuera le temps qui lui sera accordé à se poser encore et encore ces mêmes questions, et se répétera les mêmes réponses car il ne sait en trouver d’autres.

2 réflexions au sujet de « ni queue ni tête (4) »

  1. Avatar de BerardBerard

    tes introspections littéraires sont toujours aussi subtiles et agréables à lire. Tu nous embarques dans les méandres de ta pensée , on ne sait jamais où cela commence ni finit. Merci Xavier !

    Elodie Berard

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